Dans les quartiers d’affaires, les êtres costumés, stressés, pressurés -”les cadres”- qui respectent, appliquent et pérennisent la règle pyramidale du jeu, n’ont pas toujours eux-mêmes la perception de l’aliénation à laquelle ils sont soumis ; douce barbarie à laquelle ils adhérent. Vêtus de polyester, évoluant dans des non-lieux de verre et d’acier, confinés dans des espaces tapissés d’acrylique, entourés de meubles aux matières et aux tailles codifiées et signifiantes, absorbant des aliments synthétiques, ces êtres toujours humains, parfois passionnés, parfois accablés, ne semblent plus être que des icônes vidéo émises par l’émetteur hertzien d’une chaîne de TV folle et muette. Oui, ces corps réprimés ou amollis ne sont plus que des images. Ils ont basculé en virtualité.
Pourtant, ils se comportent volontiers comme des images. Ils se conforment à une image d’eux-mêmes. Image qu’ils ont voulue. Image qu’on leur impose, mais image qui les cannibalise. Et lorsqu’ils se détendent, ils deviennent flous. Spectres blafards errant dans une absurde modernité, ils peuvent disparaître brusquement, s’évanouir en tournoyant dans un éther plus grésillant que les néons de leur monde. Et ils le savent.
Leur environnement, leur matériel, leurs accessoires, leurs relations, leurs expressions sont électriques. La tension est toujours diffuse, souvent visible, presque palpable. Une étincelle suffirait peut-être pour que leurs circuits s’enflamment. Pour que leurs fusibles fondent.
Francis Mizio
In the business districts, the costumed, stressed, pressed beings – “the executives”- who respect, apply and perpetuate the pyramidal rule of the game, do not always have themselves the perception of the alienation to which they are subjected; sweet barbarity to which they adhere. Dressed in polyester, evolving in non-places of glass and steel, confined in spaces lined with acrylic, surrounded by furniture with coded and significant materials and sizes, absorbing synthetic food, these beings always human, sometimes passionate, sometimes overwhelmed, seem to be nothing more than video icons emitted by the Hertzian transmitter of a crazy and silent TV channel. Yes, these repressed or softened bodies are only images. They tipped over into virtuality. However, they behave willingly like images.
They conform to an image of themselves. An image that they wanted. An image that is imposed on them, but an image that cannibalizes them. And when they relax, they become blurred. Pallid specters wandering in absurd modernity, they can suddenly disappear, vanish while spinning in an ether more sizzling than the neon lights of their world. And they know it. Their environment, their material, their accessories, their relationships, their expressions are electric. The tension is always diffuse, often visible, almost palpable. A spark might be enough for their circuits to ignite. For their fuses to melt.
Francis Mizio