Tina Merandon

Christian Gattinoni
Paris, février 2003
« La maîtrise perdue sur le monde de l’entreprise, Tina Merandon à Jeune Création »
Prix Jeune Création 2003

Variantes froides,
situations inexpressives,
intermédiaires,
non spectaculaires

Du monde du travail, on a longtemps donné l’image de la production. Le secteur tertiaire moins spectaculaire n’est pas habituellement source d’images. Fin des années 80 dans l’énergie du néo-reportage, l’Anglaise Anna Fox nous fait visiter les bureaux des “Work stations”. En approchant “les cadres” Tina Merandon intervient comme si donner par la photographie une vision sociologique d’une classe sociale continuait d’avoir du sens. En cela, si elle appartient à une tendance, c’est beaucoup plus celle développée par Valérie Jouve ou Suzanne Lafont, ce que Michel Poivert dans sa récente étude “La photographie contemporaine” (Edition Flammarion) évoque comme utopie documentaire. Même si la base de sa démarche, l’unité de lieu, le choix de l’échantillonnage concerné restent proches du reportage de fond.

L’ensemble de ses images se constitue plus en panel pour étude de marché qu’en corpus artistique clos. Le cadrage en plan moyen permet de laisser au décor, lui aussi intermédiaire, une place physiquement et politiquement significative. La présence des architectures extérieures de La Défense, ainsi que les espaces confinés des réunions de régulation suggère un espace dramatisé, celui d’une classe en perte de pouvoir et de décision. D’ailleurs ce qui fait lien, ce qui fait sens dans cette communauté, c’est bien la décision photographique.

L’aspect aléatoire du corpus dans sa liberté de rencontres s’oppose à la lourde machinerie représentative d’un Sebastiao Salgado. Le choix de la couleur, dans ses variantes froides, les situations inexpressives, intermédiaires, non spectaculaires témoignent de ce mal être. Les corps sont saisis dans un entre-deux social. Les corps agités ou stylisés par l’intervention numérique minimale sont saisis dans la violence d’un mouvement arrêté par l’instantané. La déshérence des corps désignée par la banalisation du costume et des attitudes est marquée par ce suspens dans l’espace de la froideur et de la superficialité de l’échange.

Christian Gattinoni Paris, février 2003

Chistian Gattinoni – les Cadres -2003

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